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pas fondées. Ce ne seroit pas bien raisonner que de prétendre qu’un Gouvernement, parcequ’il auroit une fois dissimulé, seroit obligé de dissimuler toujours : si c’est une négligence, on peut la redresser ; si c’est un silence forcé par les circonstances ou par la politique, il y auroit peu de justice a en faire la matiere d’un reproche. Je ne prétends point justifier les Ouvrages désignés dans les Représentations ; mais, en conscience, y a-t-il parité entre des Livres où l’on trouve des traits épars & indiscrets contre la Religion, & des Livres où sans détour, sans ménagement, on l’attaque dans ses dogmes, dans sa morale, dans son influence sur la Société civile ? Faisons impartialement la comparaison de ces Ouvrages, jugeons-en par l’impression qu’ils ont faite dans le monde : les uns s’impriment & se débitent par-tout ; on sait comment y ont été reçus les autres. "*

[*Page 23 & 24. ]

J’ai cru devoir transcrire d’abord ce paragraphe en entier. Je le reprendrai maintenant par fragmens. Il mérite un peu d’analyse.

Que n’imprime-t-on pas à Geneve ; que n’y tolere-t-on pas ? Des Ouvrages qu’on a peine à lire sans indignation s’y débitent publiquement ; tout le monde les lit, tout le monde les aime ; les Magistrats se taisent, les Ministres sourient ; l’air austere n’est plus du bon air. Moi seul & mes Livres avons mérité l’animadversion du Conseil ; & quelle animadversion ! L’on ne peut même l’imaginer plus violente ni plus terrible.