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de compter pour beaucoup la communion des fideles ; mais ce n’étoit pas bien fait de compter pour si peu leur sûreté, leur liberté, leur vie ; & cette même Religion qui prescrivoit tant d’indulgence à ses Gardiens, ne devoit pas donner tant de barbarie à ses Vengeurs.

Voilà toutefois, selon notre Auteur, la solide raison pourquoi l’Ordonnance n’a pas voulu dire ce qu’elle dit. Je crois que l’exposer, c’est assez y répondre. Passons maintenant à l’application ; nous ne la trouverons pas moins curieuse que l’interprétation.

L’article 88 n’a pour objet que celui qui dogmatise, qui enseigne, qui instruit. Il ne parle point d’au simple Auteur, d’un homme qui ne fait que publier un Livre, & qui, au surplus se tient en repos. À dire la vérité, cette distinction me paroît un peu subtile ; car, comme disent très-bien les Représentans, on dogmatise par écrit tout comme de vive voix. Mais admettons cette subtilité ; nous y trouverons une distinction de faveur pour adoucir la Loi, non de rigueur pour l’aggraver.

Dans tous les Etats du monde, la police veille avec le plus grand soin sur ceux qui instruisent, qui enseignent, qui dogmatisent : elle ne permet ces sortes de fonctions qu’à gens autorisés ; il n’est pas même permis de prêcher la bonne doctrine, si l’on n’est reçu Prédicateur. Le Peuple aveugle est facile à séduire ; un homme qui dogmatise, attroupe, & bientôt il peut ameuter. La moindre entreprise en ce point est toujours regardée comme un attentat punissable, à cause des conséquences qui peuvent en résulter.