Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

les Magiciens produisirent des grenouilles. Ils échouerent à la troisieme plaie ; mais tenons-nous aux deux premieres dont Dieu même avoit fait la preuve du pouvoir divin. *

[* Exode. VII. 17. ] Les Magiciens firent aussi cette preuve-là.

Quant à la troisieme plaie, qu’ils ne purent imiter, on ne voit pas ce qui la rendoit si difficile, au point de marquer que le doigt de Dieu étoit-là. Pourquoi ceux qui purent produire un animal, ne purent-ils produire un insecte ? & comment, après avoir fait des grenouilles, ne purent-ils faire des poux ? S’il est vrai qu’il n’y ait dans ces choses-là que le premier pas qui coûte, c’étoit assurément s’arrêter en beau chemin.

Le même Moise, instruit par toutes ces expériences, ordonne que si un faux Prophete vient annoncer d’autres Dieux, c’est-à-dire une fausse doctrine, & que ce faux Prophete autorise son dire par des prédictions ou des prodiges qui réussissent, il ne faut point l’écouter, mais le mettre à mort. On peut donc employer de vrais signes en faveur d’une fausse doctrine ; un signe en lui-même ne prouve donc rien.

La même doctrine des signes, par des prestiges, est établie en mille endroits de l’Ecriture. Bien plus ; après avoir déclaré qu’il ne fera point de signes, Jésus annonce de faux Christs qui en feront ; il dit qu’ils feront de grands signes, des miracles capables de séduire les élus mêmes, s’il étoit possible. *

[* Matth. XXIV. 24. Marc. XIII. 22. ] Ne seroit-on pas tenté, sur ce langage, de prendre les signes pour des preuves de fausseté ?