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à tous les hommes, petits & grands, sages & sots, savans & ignorans. Celui d’entre eux qui a le cerveau assez flexible pour s’affecter à la fois de tous ces caracteres, est heureux sans doute : mais celui qui n’est frappé que de quelques-uns n’est pas à plaindre, pourvu qu’il en soit frappé suffisamment pour être persuadé.

Le premier, le plus important, le plus certain de ces caracteres, se tire de la nature de cette doctrine ; c’est-à-dire, de son utilité, de sa beauté,*

[ *Je ne sais pourquoi l’on vent attribuer au progrès de la Philosophie la belle morale de nos Livres. Cette morale, tirée de l’Evangile, étoit chrétienne avant d’être philosophique. Les Chrétiens l’enseignent sans la pratiquer, je l’avoue ; mais que font de plus les Philosophes, si ce n’est de se donner à eux-mêmes beaucoup de louanges, qui, n’étant répétées par personne autre, ne prouvent pas grand’chose à mon avis ?

Les préceptes de Platon sont souvent très-sublimes ; mais combien n’erre-t-il pas quelquefois, & jusqu’où ne vont pas ses erreurs ? Quant à Cicéron, peut-on croire que sans Platon ce Rhéteur eût trouvé ses offices ? L’Evangile seul est, quant à la morale, toujours sûr, toujours vrai, toujours unique, & toujours semblable à lui-même. ] de sa sainteté, de sa vérité, de sa profondeur, & de toutes les autres qualités qui peuvent annoncer aux hommes les instructions de la suprême Sagesse, & les préceptes de la suprême Bonté. Ce caractere est, comme j’ai dit, le plus sûr, le plus infaillible ; il porte en lui-même une preuve qui dispense de toute autre : mais il est le moins facile à constater ; il exige, pour être senti, de l’étude, de la réflexion, des connoissances, des discussions qui ne conviennent qu’aux hommes sages qui sont instruits & qui savent raisonner.

Le second caractere est dans celui des hommes choisis