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autre chose, sinon qu’ils suivoient bien plus leurs passions que leurs principes. Leur dure orthodoxie étoit elle-même une hérésie. c’étoit bien là l’esprit des Réformateurs, mais ce n’étoit pas celui de la Réformation.

La Religion Protestante est tolérante par principe, elle est tolérante essentiellement ; elle l’est autant qu’il est possible de l’être, puisque le seul dogme qu’elle ne tolere pas, est celui de l’intolérance. Voilà l’insurmontable barriere qui nous sépare Catholiques, & qui réunit les autres Communions entre elles : chacune regarde bien les autres comme étant dans l’erreur ; mais nulle ne regarde ou ne doit regarder cette erreur comme un obstacle au salut. *

[*De toutes les sectes du Christianisme la Luthérienne me paroît la plus inconséquente. Elle a réuni comme à plaisir contre elle seule toutes les objections qu’elles se font l’une à l’autre. Elle est en particulier intolérante comme l’Eglise Romaine ; mais le grand argument de celle-ci lui manque : elle est intolérante sans savoir pourquoi. ]

Les Réformés de nos jours, du moins les Ministres, ne connoissent ou n’aiment plus leur Religion. S’ils l’avoient connue & aimée, à la publication de mon Livre, ils auroient poussé de concert un cri de joie, ils se seroient tous unis avec moi, qui n’attaquois que leurs adversaires ; mais ils aiment mieux abandonner leur propre cause que de soutenir la mienne : avec leur ton risiblement arrogant, avec leur rage de chicane & d’intolérance, ils ne savent plus ce qu’ils croient, ni ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils disent. Je ne les vois plus que comme de mauvais valets des Prêtres, qui les servent moins par amour pour eux que par haine contre moi. *

[* Il est assez superflu, je crois, d’avertir que j’excepte ici mon Pasteur, & ceux qui, sur ce point, pensent comme lui.

J’ai appris depuis cette note à n’excepter personne ; mais je la laisse, selon ma promesse, pour l’instruction de tout honnête homme qui peut être tenté de louer des gens d’Eglise. ]