Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Geneve à sa place, & Rousseau dans sa dépression ; mais la Religion, mais la liberté, la justice ! Voilà, qui que vous soyez, ce qui n’est pas au-dessous de vous.

Qu’on ne cherche pas même ici dans le style le dédommagement de l’aridité de la matiere. Ceux que quelques traits heureux de ma plume ont si fort irrités, trouveront de quoi s’appaiser dans ces Lettres. L’honneur de défendre un opprimé, eût enflammé mon cœur si j’avois parlé pour un autre. Réduit au triste emploi de me défendre moi-même, j’ai dû me borner à raisonner ; m’échauffer eût été m’avilir. J’aurai donc trouvé grace en ce point devant ceux qui s’imaginent qu’il est essentiel à la vérité d’être dite froidement ; opinion que pourtant j’ai peine à comprendre. Lorsqu’une vive persuasion nous anime, le moyen d’employer un langage glacé ! Quand Archimede, tout transporté, couroit nud dans les rues de Syracuse, en avoit-il moins trouvé la vérité parce qu’il se passionnoit pour elle ? Tout au contraire, celui qui la sent ne peut s’abstenir de l’adorer ; celui qui demeure froid ne l’a pas vue.

Quoi qu’il en soit, je prie les Lecteurs de vouloir bien mettre à part mon beau style, & d’examiner seulement si je raisonne bien ou mal ; car enfin, de cela seul qu’un Auteur s’exprime en bons termes, je ne vois pas comment il peut s’ensuivre que cet Auteur ne sait ce qu’il dit.