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saurois très-bien que tout l’Univers ment, ou se trompe. Que d’hommes entre Dieu & lui ? Pas un seul. L’Evangile est la piece qui décide, & cette piece est entre mes mains. De quelque maniere qu’elle y soit venue, & quelque Auteur qui l’ait écrite, j’y reconnois l’esprit divin : cela est immédiat autant qu’il peut l’être ; il n’y a point d’hommes entre cette preuve & moi ; & dans le sens où il y en auroit, l’historique de ce Saint Livre, de ses auteurs, du tems où il a été composé, &c. rentre dans les discussions de critique où la preuve morale est admise. Telle est la réponse du Vicaire Savoyard. Le voilà donc bien évidemment en contradiction avec lui-même ; le voilà confondu par ses propres aveux. Je vous laisse jouir de toute ma confusion. Par quel étrange aveuglement a-t-il donc pu ajoûter ? " Avec tout cela ce même Evangile est plein de choses incroyables ; de choses qui répugent à la raison, & qu’il est impossible à tout homme sensé de concevoir ni d’admettre. Que faire au milieu de toutes ces contradictions ? Etre toujours modeste & circonspect, respecter en silence *

[* Pour que les hommes s’imposent ce respect & ce silence, il faut que quelqu’un leur dise une fois les raisons d’en user ainsi. Celui qui connoit ces raisons peut les dire, mais ceux qui censurent & n’en disent point, pourroient se taire. Parler au public avec franchise, avec feremeté, est un droit commun à tous les hommes, & même un devoir en toute chose utile : mais il n’est gueres permis à un particulier d’en censurer publiquement un autre : c’est s’attribuer une trop grande supériorité de vertus de talens, de lumieres. Voilà pourquoi je ne me suis jamais ingéré de critiquer ni réprimander personne. J’ai dit à mon siecle des vérités dures, mais je n’en ai dit à aucun particulier, & s’il m’est arrivé d’attaquer & nommer quelques livres, je n’ai jamais parlé des Auteurs vivans qu’avec toute sorte de bienséance & d’égards. On voit comment ils me les rendent. Il me semble que tous ces Messieurs qui se mettent si fiérement en avant pour m’enseigner l’humilité, trouvant la leçon meilleure à donner qu’à suivre.] ce qu’on ne sauroit ni rejette ni comprendre, & s’humilier devant le grand Etre qui seul fait la vérité. Voilà le scepticisme involontaire où je suis resté. " Mais le scepticisme, M.T.C.F. peut-il donc