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Toute femme vicieuse, toute femme qui méprise encore plus son devoir qu’elle ne l’offense, est indigne de ménagement ; c’est partager sort infamie que la tolérer. Mais celle à qui l’on reproche plutôt une saute qu’un vice, & qui l’expie par ses regrets, est plus digne de pitié que de haine ; on peut la plaindre & la pardonner sans honte ; le malheur même qu’on lui reproche est garant d’elle pour l’avenir, Sophie restée estimable jusques dans le crime, sera respectable dans son repentir ; elle sera d’autant plus fidelle que son cœur fait pour la vertu à senti ce qu’il en coûte l’offenser ; elle aura tout à la fois la fermeté qui la conserve & la modestie qui la rend aimable ; l’humiliation du remords adoucira cette ame orgueilleuse & rendra moins tyrannique l’empire que l’amour lui donna sur moi ; elle en plus soigneuse & moins fiere ; elle n’aura commis une faute que pour se guérir d’un défaut..

Quand les passions ne peuvent nous vaincre à visage découvert, elles prennent le masque de la sagesse pour nous surprendre, & c’est en imitant le langage de la raison qu’elles nous y sont renoncer. Tous ces sophismes ne m’en imposoient que parce qu’ils flattoient mon penchant. J’aurois voulu pouvoir revenir à Sophie infidelle, & j’écoutois avec complaisance tout ce qui sembloit autoriser ma lâcheté. Mais j’eus beau faire, ma raison moins traitable que mon cœur ne put adopter ces folies. Je ne pus me dissimuler que je raisonnois pour m’abuser, non pour m’éclairer. Je me disois avec douleur, mais avec force, que les maximes du monde ne font point loi pour qui veut vivre pour soi-même, &