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que je veux rendre compte de moi, de mes sentimens, de ma conduite, de ce cœur que vous m’avez donne. Je dirai tout, le bien, le mal, mes douleurs, mes plaisirs, mes fautes ; mais je crois n’avoir rien à dire qui puisse déshonorer votre ouvrage.

Mon bonheur à été précoce ; il commença des ma naissance, il devoit finir avant ma mort. Tous les jours de mon enfance ont été des jours fortunes, passes dans la liberté, dans la joie, ainsi que dans l’innocence : je n’appris jamais à distinguer mes instructions de mes plaisirs. Tous les hommes se rappellent avec attendrissement les de leur enfance, mais je suis le seul peut-être qui ne mêle point à ces doux souvenirs ceux des pleurs qu’on lui fit verser. Hélas ! si je fusse mort enfant, j’aurois déjà joui de la vie, & n’en aurois pas connu les regrets !

Je devins jeune homme & ne cessai point d’être heureux. Dans l’âge des passions je formois ma raison par mes sens ; ce qui sert à tromper les autres sut pour moi le chemin de la vérité. J’appris à juger sainement des choses qui m’environnoient & de l’intérêt que j’y devois prendre ; j’en jugeois sur des principes vrais & simples ; l’autorité, l’opinion n’altéroient point mes jugemens. Pour découvrir les rapports des choses entre elles, j’étudiois les rapports de chacune d’elles à moi : Par deux termes connus j’apprenois à trouver le troisieme : Pour connoître l’univers par tout ce, qui pouvoit m’interesser, il me suffit de me connoître ; ma place assignée, tout fut trouve.

J’appris ainsi que la premiere sagesse est de vouloir ce qui