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de répugnance. Plus le tableau qu’il nous présente est empreint du génie de son sublime Auteur, & plus il est révoltant. Emile désespéré, Sophie avilie ! Qui pourroit supporter ces odieuses images ! J’ai du moins la ressource des larmes, quand je vois la vertu malheureuse gémir ; mais que me reste-t-il quand elle est en proie aux remords ? Et puis, quelle confiance prendroit-on dans des préceptes qui n’ont abouti qu’à faire une femme adultère ? S’il est vrai cependant que les éducations austeres ne font que des hypocrites de vertu, l’éducation seule de Sophie doit faire des filles vertueses ; mais des filles vertueuses deviennent-elles des épouses perfides & parjures ? Gardons-nous d’imputer à M. Rousseau ces contradictions : Nous le favoris ; elles n’existoient point dans son plan. Auroit-il voulu défigurer lui- même son plus bel ouvrage ? Sophie fut coupable, elle ne fut point vile, d’imprudentes liaisons firent les fautes & ses malheurs : une femme vicieuse & jalouse de ses vertus, sans altérer son ame pure, surprit sa simplicité : un breuvage empoisonné n’égara ses sens qu’en troublant sa raison ; l’infortunée cédoit à son’époux, en se livrant au vil séducteur qui outrageoit son innocence. ; elle succomba comme Clarisse, & se releva plus sublime qu’elle. Mais si Emile devoit connoître l’excès du malheur, ne faloit-il pas que Sophie fût infidelle ? Auprès d’elle pouvoit-il être malheureux ? Et qui pouvoit l’en séparer ? Les hommes.... La mort.... Non : le crime seul de Sophie.

Pourquoi M. Rousseau n’a-t-il pas achevé ces tristes récits ? Pourquoi ce long tissu d’objets funestes, de traverses, de calamités, de fautes, de remords, de désespoir & de repentir,