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presque uniquement de l’éducation. Un homme de la première de ces deux classes ne doit point s’allier dans l’autre ; car le plus grand charme de la société manque à la sienne lorsque, ayant une femme, il est réduit à penser seul. Les gens qui passent exactement la vie entière à travailler pour vivre n’ont d’autre idée que celle de leur travail ou de leur intérêt, et tout leur esprit semble être au bout de leurs bras. Cette ignorance ne nuit ni à la probité ni aux mœurs ; souvent même elle y sert ; souvent on compose avec ses devoirs à force d’y réfléchir, & l’on finit par mettre un jargon à la place des choses. La conscience est le plus éclairé des philosophes : on n’a pas besoin de savoir les Offices de Cicéron pour être homme de bien ; & la femme du monde la plus honnête sait peut-être le moins ce que c’est qu’honnêteté. Mais il n’en est pas moins vrai qu’un esprit cultivé rend seul le commerce agréable ; & c’est une triste chose pour un père de famille qui se plaît dans sa maison, d’être forcé de s’y renfermer en lui-même, & de ne pouvoir s’y faire entendre à personne.

D’ailleurs, comment une femme qui n’a nulle habitude de réfléchir élèvera-t-elle ses enfans ? Comment discernera-t-elle ce qui leur convient ? Comment les disposera-t-elle aux vertus qu’elle ne connaît pas, au mérite dont elle n’a nulle idée ? Elle ne saura que les flatter ou les menacer, les rendre insolents ou craintifs ; elle en fera des singes maniérés ou d’étourdis polissons, jamais de bons esprits ni des enfans aimables.

Il ne convient donc pas à un homme qui a de l’éducation