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leur sont inconnus ne vienne un jour égarer leurs cœurs & troubler le bonheur de leur retraite. En France les filles vivent dans des couvents, & les femmes courent le monde. Chez les anciens, c’étoit tout le contraire ; les filles avaient, l’ai dit, beaucoup de jeux & de fêtes publiques ; les femmes vivoient retirées. Cet usage étoit plus raisonnable & maintenoit mieux les mœurs. Une sorte de coquetterie est permise aux filles à marier ; s’amuser est leur grande affaire. Les femmes ont d’autres soins chez elles, & n’ont plus de maris à chercher ; mais elles ne trouveroient pas leur compte à cette réforme, et malheureusement elles donnent le ton. Mères, faites du moins vos compagnes de vos filles. Donnez-leur un sens droit & une âme honnête, puis ne leur cachez rien de ce qu’un œil chaste peut regarder. Le bal, les festins, eux, même le théâtre, tout ce qui, mal vu, fait le char j’une imprudente jeunesse, peut être offert sans risque à des yeux sains. Mieux elles verront ces bruyants plaisirs, plus tôt elles en seront dégoûtées.

J’entends la clameur qui s’élève contre moi. Quelle fille résiste à ce dangereux exemple ? À peine ont-elles vu le monde que la tête leur tourne à toutes ; pas une d’elles ne veut le quitter. Cela peut être : mais, avant de leur offrir ce tableau trompeur, les avez-vous bien préparées à le voir sans émotion ? Leur avez-vous bien annoncé les objets qu’il représente ? Les leur avez-vous bien peints tels qu’ils sont ? Les avez-vous bien armées contre les illusions de la vanité ? Avez-vous porté dans leur jeune cœur le goût des vrais plaisirs qu’on ne trouve point dans ce tumulte ? Quelles