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dans les vrais penchants de leur sexe, même en mentant, elles ne sont point fausses. Pourquoi consultez-vous leur bouche, quand ce n’est pas elle qui doit parler ? Consultez leurs yeux, leur teint, leur respiration, leur air craintif, leur molle résistance : voilà le langage que la nature leur donne pour vous répondre. La bouche dit toujours non, & doit le dire ; mais l’accent qu’elle y joint n’est pas toujours le même, & cet accent ne sait point mentir. La femme n’a-t-elle pas les mêmes besoins que l’homme, sans avoir le même droit de les témoigner ? Son sort seroit trop cruel, si, même dans les désirs légitimes, elle n’avoit un langage équivalent à celui qu’elle n’ose tenir. Faut-il que sa pudeur la rende malheureuse ? Ne lui faut-il pas un art de communiquer ses penchants sans les découvrir ? De quelle adresse n’a-t-elle pas besoin pour faire qu’on lui dérobe ce qu’elle brûle d’accorder ! Combien ne lui importe-t-il point d’apprendre à toucher le cœur de l’homme, sans paraître songer à lui ! Quel discours charmant n’est-ce pas que la pomme de Galatée & sa fuite maladroite ! Que faudra-t-i qu’elle ajoute à cela ? Ira-t-elle dire au berger qui la suit entre les saules qu’elle n’y fuit qu’à dessein de l’attirer ? Elle mentirait, pour ainsi dire ; car alors elle ne l’attireroit plus. Plus une femme a de réserve, plus elle doit avoir d’art, même avec son mari. Oui, je soutiens qu’en tenant la coquetterie dans ses limites, on la rend modeste & vraie, on en fait une loi d’honnêteté.

La vertu est une, disoit très bien un de mes adversaires ; on ne la décompose pas pour admettre une partie & rejeter