Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

manière, elle affecte de mettre entre eux de l’inégalité ; elle fait si bien que celui qu’elle flatte croit que c’est par tendresse, & que celui qu’elle maltraite croit que c’est par dépit. Ainsi chacun, content de son partage, la voit toujours s’occuper de lui, tandis qu’elle ne s’occupe en effet que d’elle seule.

Dans le désir général de plaire, la coquetterie suggère de semblables moyens : les caprices ne feroient que rebuter, s’ils n’étoient sagement ménagés ; & c’est en les dispensant, avec art qu’elle en fait les plus fortes chaînes de ses esclaves.

Usa ogn’arte la donna, onde sia colte Nella sua rete alcun novello amante ; Nè con tutti, nè sempre un stesso volto Serba ; ma cangia a tempo atto e sembiante.

À quoi tient tout cet art, si ce n’est à des observations fines & continuelles qui lui font voir à chaque instant ce qui se passe dans les cœurs des hommes, & qui la disposent à porter à chaque mouvement secret qu’elle aperçoit la forcé qu’il faut pour le suspendre ou l’accélérer ? Or cet art s’apprend-il ? Non ; il naît avec les femmes ; elles l’ont toutes, & jamais les hommes ne l’ont eu au même degré. Tel est un des caractères distinctifs du sexe. La présence d’esprit, la pénétration, les observations fines sont la science des femmes ; l’habileté de s’en prévaloir est leur talent.

Voilà ce qui est, & l’on a vu pourquoi cela doit être. Les femmes sont fausses, nous dit-on. Elles le deviennent. Le don qui leur est propre est l’adresse & non pas la fausseté ;