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qu’elle apprenne à comparer ces deux règles, à les concilier, & à ne préférer la première que quand elles sont opposition. Elle devient le juge de ses juges, elle décide quand elle doit s’y soumettre & quand elle doit les récuser. Avant de rejeter ou d’admettre leurs préjugés, elle les pèse ; elle apprend à remonter à leur source, à les prévenir, a se les rendre favorables ; elle a soin de ne jamais s’attirer le blâme quand son devoir lui permet de l’éviter. Rien de tout cela ne peut bien se faire sans cultiver son esprit & sa raison.

Je reviens toujours au principe, & il me fournit la solution de toutes mes difficultés. J’étudie ce qui est, j’en recherche la cause, & je trouve enfin que ce qui est est bien. J’entre dans des maisons ouvertes dont le maître & la maîtresse font conjointement les honneurs. Tous deux ont eu la même éducation, tous deux sont d’une égale politesse, tous deux également pourvus de goût & d’esprit, tous deux animés du même désir de bien recevoir leur monde, & de renvoyer chacun content d’eux. Le mari n’omet aucun soin pour être attentif à tout : il va, vient, fait la ronde & se donne mille peines ; il voudroit être tout attention. La femme reste à sa place ; un petit cercle se rassemble autour d’elle, & semble lui cacher le reste de l’assemblée ; cependant il ne s’y passe rien qu’elle n’aperçoive, il n’en sort personne à qui elle n’ait parlé ; elle n’a rien omis de ce qui pouvoit intéresser tout le monde ; elle n’a rien dit à chacun qui ne lui fût agréable ; & sans rien troubler à l’ordre, le moindre de la compagnie n’est pas plus oublié que le