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à la connaissance des siens est plus simple encore. L’obéissance & la fidélité qu’elle doit à son mari, la tendresse & les soins qu’elle doit à ses enfants, sont des conséquences si naturelles & si sensibles de sa condition, qu’elle ne peut, sans mauvaise foi, refuser son consentement au sentiment intérieur qui la guide, ai méconnaître le devoir dans le penchant qui n’est point encore altéré.

Je ne blâmerois pas sans distinction qu’une femme fût bornée aux seuls travaux de son sexe, & qu’on la laissât dans une profonde ignorance sur tout le reste ; mais il faudroit pour cela des mœurs publiques, très simples, très saines ou une manière de vivre très retirée. Dans de grandes villes & parmi des hommes corrompus, cette femme seroit trop facile à séduire ; souvent sa vertu ne tiendroit qu’aux occasions ; dans ce siècle philosophe il lui en faut une à l’épreuve. Il faut qu’elle sache d’avance, & ce qu’on lui peut dire, & ce qu’elle en doit penser.

D’ailleurs, soumise au jugement des hommes, elle doit mériter leur estime ; elle doit surtout obtenir celle de son époux ; elle ne doit pas seulement lui faire aimer sa personne, mais lui faire approuver sa conduite ; elle doit justifier devant le public le choix qu’il a fait, & faire honorer le mari, de l’honneur qu’on rend à la femme. Or, comment s’y prendra-t-elle pour tout cela, si elle ignore nos institutions, si elle ne sait rien de nos usages, de nos bienséances, si elle ne connaît ni la source des jugements humains, ni les passions qui les déterminent ? Dès là qu’elle dépend à la fois de sa propre conscience & des opinions des autres, il faut