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On comprend bien que si les enfans mâles sont hors d’état de se former aucune véritable idée de religion, à plus forte raison la même idée est-elle au-dessus de la conception des filles : c’est pour cela même que je voudrois en parler à celles-ci de meilleure heure ; car s’il falloit attendre qu’elles fussent en état de discuter méthodiquement ces questions profondes, on courroit risque de ne leur en parler jamais. La raison des femmes est une raison pratique qui leur fait trouver très habilement les moyens d’arriver à une fin connue, mais qui ne leur fait pas trouver cette fin. La relation sociale des sexes est admirable. De cette société résulte une personne morale dont la femme est l’œil & l’homme le bras, mais avec une telle dépendance l’une de l’autre, que c’est de l’homme que la femme apprend ce qu’il faut voir, & de la femme que l’homme apprend ce qu’il faut faire. Si la femme pouvoit remonter aussi que l’homme aux principes, & que l’homme eût aussi bien qu’elle l’esprit des détails, toujours indépendants l’un de l’autre, ils vivroient dans une discorde éternelle, & leur société ne pourroit subsister. Mais dans l’harmonie qui règne entre eux, tout tend à la fin commune ; on ne sait lequel met le plus du sien ; chacun suit l’impulsion de l’autre ; chacun obéit, & tous deux sont les maîtres.

Par cela même que la conduite de la femme est asservie à l’opinion publique, sa croyance est asservie à l’autorité. Toute fille doit avoir la religion de sa mère, et toute femme celle de son mari. Quand cette religion seroit fausse, la docilité qui soumet la mère & la famille à l’ordre de la nature efface auprès de Dieu le péché de l’erreur. Hors d’état d’être