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qu’on y goûte, ne rachètent pas bien ce que les plaisirs publics ont de plus bruyant ?

On a trop réduit en arts les talents agréables ; on les a trop généralisés ; on a tout fait maxime & précepte, & l’on a rendu fort ennuyeux aux jeunes personnes ce qui ne doit être pour elles qu’amusement : & folâtres jeux. Je n’imagine rien de plus ridicule que de voir un vieux maître à danser ou à chanter aborder d’un air refrogné de jeunes personnes qui ne cherchent qu’à rire, & prendre pour leur enseigner sa frivole science vin ton plus pédantesque & plus magistral que s’il s’agissoit de leur catéchisme. Est-ce, par exemple, que l’art de chanter tient à la musique écrite ? ne sauroit-on rendre sa voix flexible & juste, apprendre à chanter avec goût, même à s’accompagner, sans connoître une seule note ? Le même genre de chant va-t-il à toutes les voix ? la même méthode va-t-elle à tous les esprits ? On ne me fera jamais croire que les mêmes attitudes, les mêmes pas, les mêmes mouvements, les mêmes gestes, les mêmes danses conviennent à une petite brune vive & piquante, & à une grande belle blonde aux yeux languissants. Quand donc je vois un maître donner exactement à toutes deux les mêmes leçons, je dis : Cet homme suit sa routine, mais il n’entend rien a son art.

On demande s’il faut aux filles des maîtres ou des maîtresses. Je ne sais : je voudrois bien qu’elles n’eussent besoin ni des uns ni des autres, qu’elles apprissent librement ce qu’elles ont tant de penchant à vouloir apprendre, & qu’on ne vit pas sans cesse errer dans nos villes tant de baladins