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l’indocilité sont les deux défauts les plus dangereux pour elles, & dont on guérit le moins quand on les a contractés. Les filles doivent être vigilantes & laborieuses ; ce n’est pas tout : elles doivent être gênées de bonne heure. Ce malheur, si c’en est un pour elles, est inséparable de leur sexe ; & jamais elles ne s’en délivrent que pour en souffrir de bien plus cruels. Elles seront toute leur vie asservies à la gêne la plus continuelle & la plus sévère, qui est celle des bienséances. Il faut les exercer d’abord à la contrainte, afin qu’elle ne leur coûte jamais rien ; à dompter toutes leurs fantaisies, pour les soumettre aux volontés d’autrui. Si elles vouloient toujours travailler, on devroit quelquefois les forcer à ne rien faire. La dissipation, la frivolité, l’inconstance, sont des défauts qui naissent aisément de leurs premiers goûts corrompus & toujours suivis. Pour prévenir cet abus, apprenez-leur surtout à se vaincre. Dans nos insensés établissements, la vie de l’honnête femme est un combat perpétuel contre elle-même ; il est juste que ce sexe partage la peine des maux qu’il nous a causés.

Empêchez que les filles ne s’ennuient dans leurs occupations & ne se passionnent dans leurs amusements, comme il arrive toujours dans les éducations vulgaires, où l’on met, comme dit Fénelon, tout l’ennui d’un côté & tout le plaisir de l’autre. Le premier de ces deux inconvénients n’aura lieu, si on suit les règles précédentes, que quand les personnes qui seront avec elles leur déplairont. Une petite fille qui aimera sa mère ou sa mie travaillera tout le jour à ses côtés sans ennui ; le babil seul la dédommagera de toute sa gêne.