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aux Agrigentins d’entasser les plaisirs comme s’ils n’avoient qu un jour à vivre & de bâtir comme s’ils ne devoient jamais mourir.

D’ailleurs, que me sert un logement si vaste, ayant si peu de quoi le peupler, et moins de quoi le remplir ? Mes meubles seroient simples comme mes goûts ; je n’aurois galerie ni bibliothèque, surtout si, j’aimois la lecture & que je me connusse en tableaux. Je saurois alors que de telles collections ne sont jamais complètes, & que le défaut de ce qui leur manque donne plus de chagrin que de n’avoir rien. En ceci l’abondance fait la misère : il n’y a, pas un faiseur de collections qui ne l’ait éprouvé. Quand on s’y connaît, on n’en doit point faire ; on n’a guère un cabinet à montrer aux autres quand on sait s’en servir pour soi.

Le jeu n’est point un amusement d’homme riche, il est la ressource d’un désœuvré ; & mes plaisirs me donneroient trop d’affaires pour me laisser bien du temps à remplir. Je ne joue point du tout, étant solitaire & pauvre, si ce n’est quelquefois aux échecs, & cela de trop. Si j’étois riche, je jouerois moins encore, et seulement un très petit jeu, pour ne voir point de mécontent, ni l’être. L’intérêt du jeu, manquant de motif dans un esprit mal fait. Les profits qu’un homme riche peut faire au jeu lui sont moins sensibles que les pertes ; & comme la forme modérés, qui en use le bénéfice à la longue, fait qu’en général ils vont plus en pertes qu’en gains, on ne peut, en raisonnant bien, s’affectionner beaucoup a un amusement où les risques