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tableaux sont défigurés. C’est alors des objets que nous aimons que nous tirons nos modèles ; & le beau de fantaisie, sujet au caprice & à l’autorité, n’est plus rien que ce qui plaît à ceux qui nous guident.

Ceux qui nous guident sont les artistes, les grands, les riches ; & ce qui les guide eux-mêmes est leur intérêt ou leur vanité. Ceux-ci, pour étaler leurs richesses, et les autres pour en profiter, cherchent à l’envi de nouveaux moyens de dépense. Par là le grand luxe établit son empire, & fait aimer ce qui est difficile & coûteux : alors le prétendu beau, loin d’imiter la nature, n’est tel qu’à force de la contrarier. Voilà comment le luxe & le mauvais goût sont inséparables. Par-tout où le goût est dispendieux, il est faux.

C’est surtout dans commerce des deux sexes que le goût, bon ou mauvais, prend sa forme ; sa culture est un effet nécessaire de l’objet de cette société. Mais, quand la facilité de jouir attiédit le désir de plaire, le goût doit dégénérer ; & c’est là, ce me semble, une autre raison des plus sensibles, pourquoi le bon goût tient aux bonnes mœurs.

Consultez le goût des femmes dans les choses physiques & qui tiennent au jugement des sens ; celui des hommes dans les choses morales & qui dépendent plus de l’entendement. Quand les femmes seront ce qu’elles doivent. être, elles se borneront aux choses de leur compétence, & jugeront tours bien ; mais depuis qu’elles se sont établies les arbitres de la littérature, depuis qu’elles se sont mises à juger les livres & à en faire à toute force, elles ne connoissent plus rien. Les auteurs qui consultent les savantes sur leurs