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Bon jeune homme, soyez sincère & vrai. sans orgueil ; sachez être ignorant : vous ne tromperez ni vous ni les autres. Si jamais vos talents cultivés vous mettent en état de parler aux hommes, ne leur parlez jamais que selon votre conscience, sans vous embarrasser s’ils vous applaudiront. L’abus

    en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme, aussi funeste à la population qu’à la vertu. L’indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l’état sous le despotisme ; c’est la tranquillité de la mort : elle est plus destructive que la guerre même.

    Ainsi le fanatisme, quoique plus funeste dans ses effets immédiats que ce qu’on appelle aujourd’hui l’esprit philosophique, l’est beaucoup moins dans ses conséquences. D’ailleurs il est aisé d’étaler de belles maximes dans des livres ; mais la question est de savoir si elles tiennent bien à la doctrine, si elles en découlent nécessairement ; & c’est ce qui n’a point paru clair jusqu’ici. Reste à savoir encore si la philosophie, à son aise & sur le trône, commanderoit bien à la gloriole, à l’intérêt, à l’ambition, aux petites passions de l’homme, & si elle pratiqueroit cette humanité si douce qu’elle nous vante la plume à la main.

    Par les principes, la philosophie ne peut faire aucun bien que la religion ne le fasse encore mieux, & la religion en fait beaucoup que la Philosophie ne saurait faire.

    Par la pratique, c’est autre chose ; mais encore faut-il examiner. Nul homme ne suit de tout point sa religion quand il en a une : cela est vrai ; la plupart n’en ont guère, & ne suivent point du tout celle qu’ils ont : cela est encore vrai ; mais enfin quelques-uns en ont une, la suivent du moins en partie ; & il est indubitable que des motifs de religion les empêchent souvent de mal faire, & obtiennent d’eux des vertus, des actions louables, qui n’auroient point eu lieu sans ces motifs.

    Qu’un Moine nie un dépôt ; que s’ensuit-il, sinon qu’un sot le lui avoit confié ? Si Pascal en eût nié un, cela prouveroit que Pascal étoit un hypocrite, & rien de plus. Mais un moine !...... Les gens qui font trafic de la religion sont-ils donc ceux qui en ont ? Tous les crimes qui. se font dans le clergé, comme ailleurs, ne prouvent point que la religion soit inutile, mais que très-