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l’ambitionne encore, mais je ne l’espère plus. Mon bon ami, je ne trouve rien de si beau que d’être curé. Un bon curé est un ministre de bonté, comme un bon magistrat est un ministre de justice. Un curé n’a jamais de mal à faire ; s’il ne peut pas toujours faire le bien par lui-même, il est toujours à sa place quand il le sollicite, & souvent il l’obtient quand il sait se faire respecter. Ô si jamais dans nos montagnes j’avais quelque cure de bonnes gens à desservir ! je serois heureux, car il me semble que je ferois le bonheur de mes paroissiens. je ne les rendrois pas riches, mais je partagerois leur pauvreté ; j’en ôterois a flétrissure & le mépris, plus insupportable que l’indigence. Je leur ferois aimer la concorde & l’égalité, qui chassent souvent la misère, & la font toujours supporter. Quand ils verroient que je ne serois en rien mieux qu’eux, et que pourtant je vivrois content, ils apprendroient à se consoler de leur sort & à vivre contents comme moi. Dans mes instructions je m’attacherois moins à l’esprit de l’église qu’à l’esprit de l’évangile, où le dogme est simple & la morale sublime, où l’on voit peu de pratiques religieuses & beaucoup d’œuvres de charité. Avant de leur enseigner ce qu’il faut faire, je m’efforcerois toujours de le pratiquer afin qu’ils vissent bien que tout ce que je leur dis, je le pense. Si j’avois des protestants dans mon voisinage ou dans ma paroisse, je ne les distinguerois point de mes vrais paroissiens en tout ce qui tient à la charité chrétienne ; je les porterois tous également à s’entr’aimer, à se regarder comme frères, à respecter toutes les religions, & à vivre en paix chacun dans la sienne. Je pense que