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sont d’un sage, la vie & la mort de Jésus sont d’un Dieu. Dirons-nous que l’histoire de l’évangile est inventée à plaisir ? Mon ami, ce n’est pas ainsi qu’on invente ; & les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont moins attestés que ceux de Jésus-Christ. Au fond c’est reculer la difficulté sans la détruire ; il seroit plus inconcevable que plusieurs hommes d’accord eussent fabriqué ce livre qu’il ne l’est qu’un seul en ait fourni le sujet. Jamais les auteurs juifs n’eussent trouvé ni ce ton ni cette morale ; et l’évangile a des caractères de vérité si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l’inventeur en seroit plus étonnant que le héros. Avec tout cela, ce même évangile est plein de choses incroyables, de choses qui répugnent à la raison, & qu’il est impossible à tout homme sensé de concevoir ni d’admettre. Que faire au milieu de toutes ces contradictions ? être toujours modeste & circonspect, mon enfant ; respecter en silence ce qu’on ne sauroit ni rejeter, ni comprendre, et s’humilier devant le grand être qui seul sait la vérité.

Voilà le scepticisme involontaire où je suis resté ; mais ce scepticisme ne m’est nullement pénible, parce qu’il ne s’étend pas aux points essentiels à la pratique, et que je suis bien décidé sur les principes de tous mes devoirs. Je sers Dieu dans la simplicité de mon cœur. Je ne cherche à savoir que ce qui importe à ma conduite. Quant aux dogmes qui n’influent ni sur les actions ni sur la morale, & dont tant de gens se tourmentent, je ne m’en mets nullement en peine. Je regarde toutes les religions particulières comme autant d’institutions