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ÉMILE,

OU

DE L’ÉDUCATION.



Livre Second.


C’est ici le second terme de la vie, & celui auquel proprement finit l’enfance ; car les mots infans & puer ne sont pas synonymes. Le premier est compris dans l’autre, & signifie qui ne peut parler, d’où vient que dans Valere Maxime on trouve puerum infantem. Mais je continue à me servir de ce mot selon l’usage de notre langue, jusqu’à l’âge pour lequel elle a d’autres noms.

Quand les enfans commencent à parler, ils pleurent moins. Ce progrès est naturel ; un langage est substitué à l’autre. Sitôt qu’ils peuvent dire qu’ils souffrent avec des paroles, pourquoi le diroient-ils avec des cris, si ce n’est quand la douleur est trop vive pour que la parole puisse l’exprimer ? S’ils continuent alors à pleurer, c’est la faute des gens qui sont autour d’eux. Dès qu’une fois Émile aura dit, j’ai mal, il faudra des douleurs bien vives pour le forcer de pleurer.

Si l’enfant est délicat, sensible, que naturellement il se mette à crier pour rien, en rendant ces cris inutiles & sans