Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée

leur naissance, & y vivant de jour en jour plus exclusivement, préviendra ou effacera par la correction de son langage, l’impression du langage des paysans. émile parlera un françois tout aussi pur que je peux le savoir, mais il le parlera plus distinctement, & l’articulera, beaucoup mieux que moi.

L’enfant qui veut parler ne doit écouter que les mots qu’il peut entendre, ne dire que ceux qu’il peut articuler. Les efforts qu’il fait pour cela le portent à redoubler la même syllabe, comme pour s’exercer à la prononcer plus distinctement. Quand il commence à balbutier, ne vous tourmentez pas si fort à deviner ce qu’il dit. Prétendre être toujours écouté est encore une sorte d’empire, & l’enfant n’en doit exercer aucun. Qu’il vous suffise de pourvoir très attentivement au nécessaire ; c’est à lui de tâcher de vous faire entendre ce qui ne l’est pas. Bien moins encore faut-il se hâter d’exiger qu’il parle ; il saura bien parler de lui-même à mesure qu’il en sentira l’utilité.

On remarque, il est vrai, que ceux qui commencent à parler fort tard ne parlent jamais si distinctement que les autres ; mais ce n’est pas parce qu’ils ont parlé tard que l’organe reste embarrassé, c’est au contraire parce qu’ils sont nés avec un organe embarrassé qu’ils commencent tard à parler ; car, sans cela, pourquoi parleroient ils plus tard que les autres ? Ont-ils moins l’occasion de parler ? & les y excite-t-on moins ? Au contraire, l’inquiétude que donne ce retard, aussitôt qu’on s’en a aperçoit, fait qu’on se tourmente beaucoup plus à les faire balbutier que ceux