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Le seul moyen de guérir ou de prévenir cette habitude est de n’y faire aucune attention. Personne n’aime à prendre une peine inutile, pas même les enfants. Ils sont obstinés dans leurs tentatives ; mais si vous avez plus de constance qu’eux d’opiniâtreté, ils se rebutent & n’y reviennent plus. C’est ainsi qu’on leur épargne des pleurs & qu’on les accoutume à n’en verser que quand la douleur les y force..

Au reste, quand ils pleurent par fantaisie ou par obstination, un moyen sûr pour les empêcher de continuer est de les distraire par quelque objet agréable et frappant qui leur fasse oublier qu’ils vouloient pleurer. La plupart des nourrices excellent dans cet art, et, bien ménagé, il est très utile ; mais il est de la dernière importance que l’enfant n’aperçoive pas l’intention de le distraire, & qu’il s’amuse sans croire qu’on songe à lui : or voilà sur quoi toutes les nourrices sont maladroites.

On sèvre trop tôt tous les enfants. Le temps où l’on doit les sevrer est indiqué par l’éruption des dents, & cette éruption est communément pénible & douloureuse. Par un instinct machinal, l’enfant porte alors fréquemment à sa bouche tout ce qu’il tient, pour le mâcher. On pense faciliter l’opération en lui donnant pour hochet quelque corps dur, comme l’ivoire ou la dent le loup. Je crois qu’on se trompe. Ces corps durs, appliqués sur les gencives, loin de les ramollir, les rendent calleuses, les endurcissent, préparent un déchirement plus pénible & plus douloureux. Prenons toujours l’instinct pour exemple. On ne voit point les jeunes chiens exercer leurs dents naissantes sur des