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propre faiblesse. Voilà comment ils deviennent incommodes, tyrans impérieux, méchants, indomptables ; progrès qui ne vient pas d’un esprit naturel de domination, mais qui le leur donne ; car il ne faut pas une longue expérience pour sentir combien il est agréable d’agir par les mains a autrui, et de n’avoir besoin que de remuer la langue pour faire mouvoir l’univers.

En grandissant, on acquiert des forces, on devient moins inquiet, moins remuant, on se renferme davantage en soi-même. L’âme & le corps se mettent, pour ainsi dire, en équilibre, & la nature ne nous demande plus que le mouvement nécessaire à notre conservation. Mais le désir de commander ne s’éteint pas avec le besoin qui l’a fait naître ; l’empire éveille & flatte l’amour-propre, & l’habitude le fortifie : ainsi succède la fantaisie au besoin, ainsi prennent leurs premières racines les préjugé, de l’opinion.

Le principe une fois connu, nous voyons clairement le point où l’on quitte la route de la nature ; voyons ce qu’il faut faire pour s’y maintenir.

Loin d’avoir des forces superflues, les enfans n’en ont pas même de suffisantes pour tout ce que leur demande a nature ; il faut donc leur laisser l’usage de toutes celles qu’elle leur donne & dont ils ne sauroient abuser. Première maxime.

Il faut les aider & suppléer à ce qui leur manque, soit en intelligence, soit en force, dans tout ce qui est du besoin physique. Deuxième maxime.