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ou tue quelquefois. Quand a raison commence à les effrayer, faites que l’habitude les rassure. Avec une gradation lente & ménagée on rend l’homme & l’enfant intrépides à tout.

Dans le commencement de la vie, où la mémoire & l’imagination sont encore inactives, l’enfant n’est attentif qu’à ce qui affecte actuellement ses sens ; ses sensations étant les premiers matériaux de ses connaissances, les lui offrir dans un ordre convenable, c’est préparer sa mémoire à les fournir un jour dans le même ordre à son entendement ; mais, comme il n’est attentif qu’à ses sensations, il suffit d’abord de lui montrer bien distinctement la liaison de ces mêmes sensations avec les objets qui les causent. Il veut tout toucher, tout manier : ne vous opposez point à cette inquiétude ; elle lui suggère un apprentissage très nécessaire. C’est ainsi qu’il apprend à sentir la chaleur, le froid, la dureté, la mollesse, la pesanteur, la légèreté des corps, à juger de leur grandeur, de leur figure, & de toutes leurs qualités sensibles, en regardant, palpant [1], écoutant, surtout en comparant la vue au toucher, en estimant à l’œil la sensation qu’ils feroient sous ses doigts.

Ce n’est que par le mouvement que nous apprenons qu’il y a des choses qui ne sont pas nous ; & ce n’est que par notre propre mouvement que nous acquérons l’idée de l’étendue. C’est parce que l’enfant n’a point cette idée, qu’il

  1. L’odorat est de tous les sens celui qui se développe le plus tard dans les enfants : jusqu’à l’âge de deux ou trois ans il ne paraît pas qu’ils soient sensibles ni aux bonnes ni aux mauvaises odeurs ; ils ont à cet égard l’indifférence ou plutôt l’insensibilité qu’on remarque dans plusieurs animaux.