Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

chirurgien, mais à coup sûr je serai de meilleure foi, & mon zèle me trompera moins que son avarice.

Ce choix n’est point un si grand mystère ; les règles en sont connues ; mais je ne sois si l’on ne devroit pas faire un peu plus d’attention à l’âge du lait aussi bien qu’à sa qualité. Le nouveau lait est tout à fait séreux, il doit presque l’être apéritif pour purger le reste du meconium épaissi dans les intestins de l’enfant qui vient de naître. Peu à peu le lait prend de la consistance & fournit une nourriture plus solide à l’enfant devenu plus fort pour la digérer. Ce n’est sûrement pas pour rien que dans les femelles de toute espèce la nature change la consistance du lait selon l’âge du nourrisson.

Il faudroit donc une nourrice nouvellement accouchée à un enfant nouvellement né. Ceci a son embarras, je le sais ; mais sitôt qu’on sort de l’ordre naturel, tout a ses embarras pour bien faire. Le seul expédient commode est de faire mal ; c’est aussi celui qu’on choisit.

Il faudroit une nourrice aussi saine de cœur que de corps : l’intempérie des passions peut, comme celle des humeurs, altérer son lait ; de plus, s’en tenir uniquement au physique, c’est ne voir que la moitié de l’objet. Le lait peut être bon & la nourrice mauvaise ; un bon caractère est aussi essentiel qu’un bon tempérament. Si l’on prend une femme vicieuse, je ne dis pas que son nourrisson contractera ses vices, mais je dis qu’il en pâtira. Ne lui doit-elle pas, avec son lait, des soins qui demandent du zèle, de la patience, de la douceur, de la