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laborieux & les autres contemplatifs. La société nous offre en un même lieu l’image de ces différences entre les pauvres & les riches : les premiers habitent le sol ingrat, & les autres le pays fertile.

Le pauvre n’a pas besoin d’éducation ; celle de son état est forcée, il n’en sauroit avoir d’autre ; au contraire, l’éducation que le riche reçoit de son état est celle qui lui convient le moins & pour lui-même & pour la société. D’ailleurs l’éducation naturelle doit rendre un homme propre à toutes les conditions humaines : or il est moins raisonnable d’élever un pauvre pour être riche qu’un riche pour être pauvre ; car a proportion du nombre des deux états, il y a plus de ruinés que de parvenus. Choisissons donc un riche ; nous serons sûrs au moins d’avoir fait un homme de plus, au lieu qu’un pauvre peut devenir homme de lui-même.

Par la même raison, je ne serai pas fâché qu’émile ait de la naissance. Ce sera toujours une victime arrachée au préjugé.

émile est orphelin. Il n’importe qu’il ait son pere & sa mère. Chargé de leurs devoirs, je succède à tous leur, droits. Il doit honorer ses parents, mais il ne doit obéir qu’à moi. C’est ma première ou plutôt ma seule condition.

J’y dois ajouter celle-ci, qui n’en est qu’une suite, qu’on ne nous ôtera jamais l’un a l’autre que de notre consentement. Cette clause est essentielle, & je voudrais même que l’élève & le gouverneur se regardassent tellement comme inséparables, que le sort de leurs jours fût toujours entre