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l’amour-propre & la haute opinion de lui-même, l’a détourné de chercher ses dans la domination & dans le malheur d’autrui. Il quand il voit souffrir ; c’est un sentiment naturel. Ce qui fait qu’un jeune homme s’endurcit & se complaît à voir tourmenter un être sensible, c’est quand un retour de vanité le fait se regarder comme exempt des mêmes peines par sa sagesse ou par sa supériorité. Celui qu’on a garanti de ce tour d’esprit ne sauroit tomber dans le vice qui en est l’ouvrage. Émile aime donc la paix. L’image du bonheur le flatte, & quand il eut contribuer à le produire, c’est un moyen de plus de re partager. je n’ai pas supposé qu’en voyant des malheureux il n’auroit pour eux que cette pitié stérile & cruelle qui se contente de plaindre les maux qu’elle peut guérir. Sa bienfaisance active lui donne bientôt des lumières qu’avec un cœur plus dur il n’eût point acquises, ou qu’il eût acquises beaucoup plus tard. S’il voit régner la discorde entre ses camarades, il cherche à les réconcilier ; s’il voit des affligés, il s’informe du sujet de leurs peines ; s’il voit deux hommes se haïr, il veut

    il n’y a sur la terre nul gouvernement assez insensé pour le punir de se l’être faite en pareil cas. je ne dis pas qu’il doive s’aller battre ; c’est une extravagance ; je dis qu’il se doit justice, & qu’il en est le seul dispensateur. Sans tant de vains édits contre les duels, si j’étois souverain, réponds qu’il n’y auroit jamais ni soufflet ni démenti donné dans mes Etats, & cela par un moyen fort simple dont les tribunaux ne se meleroient point. Quoi qu’il en soit, Emile sait en pareil cas la justice qu’il se doit à lui-même, & l’exemple qu’il doit à la sûreté des gens d’honneur. Il ne dépend pas de l’homme le plus ferme d’empêcher qu’on ne l’insulte, mais il dépend de lui d’empêcher qu’on ne se vante longtemps de l’avoir insulté.