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rien pour lui ; sans cesse il passe de l’un de ces mouvements à l’autre. Cette alternative continuelle empêche qu’ils ne fassent sur son visage aucune impression constante, & qu’il ne prenne de la physionomie : mais dans l’âge où, devenu plus sensible, il est plus vivement, ou plus constamment affecté, les impressions plus profondes laissent des traces plus difficiles à détruire ; & de l’état habituel de l’âme résulte un arrangement de traits que le tems rend ineffaçables. Cependant il n’est pas rare de voir des hommes changer de physionomie à différents âges. J’en ai vu plusieurs dans ce cas ; & j’ai toujours trouvé que ceux que j’avois pu bien observer & suivre avoient aussi changé de passions habituelles. Cette seule observation, bien confirmée, me paroîtroit décisive, & n’est pas déplacée dans un traité d’éducation, où il importe d’apprendre à juger des mouvements de l’âme par les signes extérieurs.

Je ne sais si, pour n’avoir pas appris à imiter des manières de convention & à feindre des sentiments qu’il n’a pas, mon jeune homme sera moins aimable, ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici : je sais seulement qu’il sera plus aimant, & j’ai bien de la peine à croire que celui qui n’aime que lui puisse assez bien se déguiser pour plaire autant que celui qui tire de son attachement pour les autres un nouveau sentiment de bonheur. Mais, quant à ce sentiment même, le crois en avoir assez dit pour guider sur ce point un lecteur raisonnable, & montrer que je ne me suis pas contredit.

Je reviens donc à ma méthode, & je dis : Quand l’âge critique approche, offrez aux jeunes gens des spectacles qui