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ou non, ce n’est pas maintenant de quoi il est question ; sait-il seulement ce que c’est que faute ? N’empiétez jamais sur l’ordre de ses connaissances, & ne l’éclairez que par les lumières qui sont à sa portée : il n’a pas besoin d’être fort savant pour sentir que toute la prudence humaine ne peut lui répondre si dans une heure il sera vivant ou mourant ; si les douleurs de la néphrétique ne lui feront point grincer les dents avant la nuit ; si dans un mois il sera riche ou pauvre, si dans un an peut-être il ne ramera point sous pauvre de bœuf dans les galères d’Alger. Surtout n’allez pas lui dire tout cela froidement comme son catéchisme ; qu’il voie, qu’il sente les calamités humaines : ébranlez, effrayez son imagination des périls dont tout homme est sans cesse environné ; qu’il voie autour de lui tous ces abîmes, & qu’à vous les entendre décrire, il se presse contre vous de peur d’y tomber. Nous le rendrons timide & poltron, direz-vous. Nous verrons dans la suite ; mais quant à présent, commençons par le rendre humain ; voilà surtout ce qui nous importe.

TROISIEME MAXIME

La pitié qu’on a du mai d’autrui ne se mesure pas sur la quantité de ce mal, mais sur le sentiment qu’on prête à ceux qui le souffrent.

On ne plaint un malheureux qu’autant qu’on croit qu’il se trouve à plaindre. Le sentiment physique de nos maux est. plus borné qu’il ne semble ; mais c’est par la mémoire qui