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des lumières que les enfants ne doivent pas avoir, est tout à fait déplacée avec eux ; mais quand on honore vraiment leur simplicité, l’on prend aisément, en leur parlant, celle des termes qui leur conviennent. Il y a une certaine naïveté de langage qui sied & qui plaît à l’innocence : voilà le vrai ton qui détourne un enfant d’une dangereuse curiosité. En lui perlant simplement de tout, on ne lui laisse pas soupçonner qu’il reste rien de plus à lui dire. En joignant aux mots grossiers les idées déplaisantes qui leur conviennent, on étouffe le premier feu de l’imagination : on ne lui défend as de prononcer ces mots & d’avoir ces idées ; mais on lui donne, sans qu’il y songé, de la répugnance à les rappeler. & combien d’embarras cette liberté naïve ne sauve-t-elle point à ceux qui, la tirant de leur propre cœur, disent toujours ce qu’il faut dire, & le disent toujours comme ils l’ont senti !

Comment se font les enfants ? Question embarrassante qui vient assez naturellement aux enfants, & dont la réponse indiscrète ou prudente décide quelquefois de leurs mœurs & de leur santé pour toute leur vie. La manière la plus courte qu’une mère imagine pour s’en débarrasser sans tromper son fils, est de lui imposer silence. Cela seroit bon, si on l’y eût accoutumé de longue main dans des questions indifférentes, & qu’il ne soupçonnât pas du mystère à ce nouveau ton. Mais rarement elle s’en tient là. C’est le secret des gens mariés, lui dira-t-elle ; de petits garçons ne doivent point être si curieux. Voilà qui est fort bien pour tirer d’embarras la mère : mais qu’elle sache que, piqué de cet air de mépris,