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on s’y prend, il est clair que ce qu’on feint de leur cacher n’est que pour le leur apprendre ; & c’est, de toutes les instructions qu’on leur donne, celle qui leur profite le mieux.

Consultez l’expérience, vous comprendrez à quel point cette méthode insensée accélère l’ouvrage de la nature & ruine le tempérament. C’est ici l’une des principales causes qui font dégénérer les races dans les villes. Les jeunes gens, épuisés de bonne heure, restent petits, faibles, mal faits, vieillissent au lieu de grandir, comme la vigne à qui l’on fait porter du fruit au printemps languit et meurt avant l’automne.

Il faut avoir vécu chez des peuples grossiers & simples pour connoître jusqu’à quel age une heureuse ignorance y l’innocence des enfants. C’est un spectacle à la fois touchent & risible d’y voir les deux sexes, livrés à la sécurité de leurs cœurs, prolonger dans la fleur de l’âge & de la beauté les jeux naïfs de l’enfance, et montrer par leur familiarité même la pureté de leurs plaisirs. Quand enfin cette aimable jeunesse vient à se marier, les deux époux, se

    dans le manger une extrême parcimonie, & où la plupart font, comme dit le proverbe, habit de velours & ventre de son. On est étonné, dans ces montagnes, de voir de grands garçons forts comme des hommes avoir encore la voix aigue & le menton sans barbe, & de grandes filles, d’ailleurs très formées, n’avoir aucun signe périodique de leur sexe. Différence qui me paraît venir uniquement de ce que, dans la simplicité de leurs mœurs, leur imagination, plus longtemps paisible & calme, fait plus tard fermenter leur sang, & rend leur tempérament moins précoce.