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n’ont rien d apparent qui les distingue ; même visage, même figure, même teint, même voix, tout égal : les filles sont des enfants, les garçons sont des enfants ; le même nom suffit à des êtres si semblables. Les mâles en qui l’on empêche le développement ultérieur du gardent cette conformité toute leur vie ; ils sont toujours de grands enfants, & les femmes, ne perdant point cette même conformité, semblent, à bien des égards, ne jamais être autre chose.

Mais l’homme, en général, n’est pas fait pour rester toujours dans l’enfance. Il en sort au tems prescrit par la nature ; & ce moment de crise, bien qu’assez court, a de longes influences.

Comme le mugissement de la mer précède de loin la tempête, cette orageuse révolution s’annonce par le murmure des passions naissantes ; une fermentation sourde avertit de l’approche du danger. Un changement l’humeur, des emportements fréquents, une continuelle agitation d’esprit, rendent l’enfant presque indisciplinable. Il devient sourd à la voix qui le rendoit docile ; c’est un lion dans sa fièvre ; il méconnaît son guide, il ne veut plus être gouverné.

Aux signes moraux d’une humeur qui s’altère se joignent des changements sensibles dans la figure. Sa physionomie se développe & s’empreint d’un caractère ; & doux qui croit au bas ses joues brunit & prend de la consistance. Sa voix mue, ou plutôt il la perd : il n’est ni enfant ni homme & ne peut prendre le ton d’aucun des deux. Ses yeux, ces organes de l’âme, qui n’ont rien dit jusqu’ici, trouvent un langage & de l’expression ; un feu