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Quelle ressource que cette folie pour un homme habile, qui n’a su la faire naître qu’afin de la mettre a profit ! L’enfant, pressé de se faire un magasin pour son île, sera plus ardent pour apprendre que le maître pour enseigner. Il voudra savoir tout ce qui est utile, & ne voudra savoir que cela ; vous n’aurez plus besoin de le guider, vous n’aurez qu’à le retenir. Au reste, dépêchons-nous de l’établir dans cette île, tandis qu’il y borne sa félicité ; car le jour approche où, s’il y veut vivre encore, il n’y voudra plus vivre seul, & où Vendredi, qui maintenant ne le touche guère, ne lui suffira pas longtemps.

La pratique des arts naturels, auxquels peut suffire un seul homme, mène à la recherche des arts d’industrie, & qui ont besoin du concours de plusieurs mains. Les premiers peuvent s’exercer par des solitaires, par des sauvages ; mais les autres ne peuvent naître que dans la société, & la rendent nécessaire. Tant qu’on ne connaît que le besoin physique, chaque homme se suffit à lui-même ; l’introduction du superflu rend indispensable le partage & la distribution du travail ; car, bien qu’un homme travaillant seul ne gagne que la subsistance d’un homme, cent hommes, travaillant de concert, gagneront de quoi en faire subsister deux cents. Sitôt donc qu’une partie des hommes se repose, il faut que le concours des bras de ceux qui travaillent supplée à l’oisiveté de ceux qui ne font rien.

Votre plus grand soin doit être d’écarter de l’esprit de votre Eleve toutes les notions des relations sociales qui ne sont pas à sa portée ; mais, quand enchaînement des