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tenoit dissoute, se précipite & rend la liqueur opaque.

Si donc un de ces deux vins est lithargiré, son acide tient la litharge en dissolution. Que j’y verse de la liqueur alcaline, elle forcera l’acide de quitter prise pour s’unir à elle ; le plomb, n’étant plus tenu en dissolution, reparaîtra, troublera la liqueur, & se précipitera enfin dans le fond du verre.

S’il n’y a point de plomb [1] ni d’aucun métal dans le vin, l’alcali s’unira paisiblement [2] avec l’acide, le tout restera dissous, & il ne se fera aucune précipitation.

Ensuite je versai de ma liqueur alcaline successivement dans les deux verres : celui du vin de la maison resta clair & diaphane ; l’autre en un moment fut trouble, & au bout d’une heure on vit clairement le plomb précipité dans d’une le fond du verre.

Voilà, repris-je, le vin naturel & pur dont on peut boire, & voici le vin falsifié qui empoisonne. Cela se découvre par les mêmes connaissances dont vous me demandiez l’utilité : celui qui sait bien comment se fait l’encre sait connaître aussi les vins frelatés.

  1. Les vins qu’on vend en détail chez les marchands de vins de Paris, quoiqu’ils ne soient pas tous lithargirés, sont rarement exempts de plomb, parce que les comptoirs de ces marchands sont garnis de ce métal, & que le vin qui se répand de la mesure, en passant & séjour sur ce plomb en dissout toujours quelque partie. Il est étrange qu’un abus si manifeste & si dangereux soit souffert par la police. Mais il est vrai que les gens aisés, ne buvant guère de ces vins là, sont peu sujets à en être empoisonnés.
  2. L’acide végétal est fort doux. Si c’étoit un acide minéral, & qu’il fût moins étendu, l’union ne se feroit pas sans effervescence.