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expériences se lient l’une à l’autre par quelque sorte de déduction, afin qu’à l’aide de cette chaîne ils puissent les placer par ordre dans leur esprit, & se les rappeler au besoin ; car il est bien difficile que des faits & même des raisonnements isolés tiennent longtemps dans la mémoire, quand on manque de prise pour les ramener.

Dans la recherche des lois de la nature, commencez toujours par les phénomènes les plus communs & les plus sensibles, & accoutumez votre Eleve à ne pas prendre ces phénomènes pour des raisons, mais pour des faits. Je prends une pierre, je feins de la poser en l’air ; j’ouvre la main, la pierre tombe. Je regarde émile attentif à ce que je fais, & je lui dis : Pourquoi cette pierre est-elle tombée ?

Quel enfant restera court à cette question ? Aucun, pas même émile, si je n’ai pris grand soin de le préparer à n’y 0 ] savoir pas répondre. Tous diront que la pierre tombe parce qu’elle est pesante. & qu’est-ce qui est pesant ? C’est qui tombe. La pierre tombe donc parée qu’elle tombe ? Ici mon philosophe est arrêté tout de bon. Voilà sa première petit de physique systématique, & soit qu’elle lui profite ou non dans ce genre, ce sera toujours une leçon de bon sens.

À mesure que l’enfant avance en intelligence, d’autres considérations importantes nous obligent à plus de choix dans ses occupations. Sitôt qu’il parvient à se connaître assez lui-même pour concevoir en quoi consiste son bien-être, sitôt qu’il peut saisir des rapports assez étendus pour juger de ce qui lui convient & de ce qui ne lui convient