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recherches est de maintenir, au milieu des études spéculatives, le corps dans son activité, les membres dans leur souplesse, & de former sans cesse les mains au travail & ou usages utiles à l’homme. Tant d’instruments inventés pour nous guider dans nos expériences & suppléer à la justesse des sens, en font négliger l’exercice. Le graphomètre dispense d’estimer la grandeur des angles ; l’œil qui mesuroit avec précision les distances s’en fie à la chaîne qui les mesure pour lui ; la romaine m’exempte de juger à la main le poids que je connois par elle. Plus nos outils sont ingénieux, plus nos organes deviennent grossiers & maladroits : à force de rassembler des machines autour de nous, nous n’en trouvons plus en nous-mêmes.

Mais, quand nous mettons à fabriquer ces machines l’adresse qui nous en tenait lieu, quand nous employons à les faire la sagacité qu’il falloit pour nous en passer, nous gagnons sans rien perdre, nous ajoutons l’art à la nature, & nous devenons plus ingénieux, sans devenir moins adroits. Au lieu de coller un enfant sur des livres, si je l’occupe dans un atelier, ses mains travaillent au profit de son esprit : il devient philosophe & croit n’être qu’un ouvrier. Enfin cet exercice a d’autres usages dont je parlerai ci-après ; & l’on verra comment des jeux de la philosophie on peut s’élever aux véritables fonctions de l’homme.

J’ai déjà dit que les connaissances purement spéculatives ne convenoient guère aux enfants, même approchant de l’adolescence ; mais sans les faire entrer bien avant dans la physique systématique, faites pourtant que toutes leurs