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l’accable point et n’aille pas jusqu’à l’ennui. Tenez donc toujours l’œil au guet ; &, quoi qu’il arrive, quittez tout avant qu’il s’ennuie ; car il n’importe jamais autant qu’il apprenne, qu’il importe qu’il ne fasse rien malgré lui

S’il vous questionne lui-même, répondez autant qu’il faut pour nourrir sa curiosité non pour la. rassasier : surtout quand vous voyez qu’au lieu de questionner pour s’instruire, il se met à battre la campagne & à vous accabler de sottes questions, arrêtez-vous à l’instant, sûr qu’alors il ne se soucie plus de la chose, mais seulement de vous asservir à ses interrogations. Il faut avoir moins d’égard aux mots qu’il prononce qu’au motif qui le fait parler. Cet avertissement, jusqu’ici moins nécessaire, devient de la dernière importance aussitôt que l’enfant commence à raisonner.

Il y a une chaîne de vérités générales par laquelle toutes les sciences tiennent à des principes communs & se développent successivement : cette chaîne est la méthode des philosophes. Ce n’est point de celle-là qu’il s’agit ici. Il y en a une toute différente, par laquelle chaque objet particulier en attire un autre & montre toujours celui qui le suit. Cet ordre, qui nourrit, par une curiosité continuelle, l’attention qu’ils exigent tous, est celui que suivent la plupart des hommes, et surtout celui qu’il faut aux enfants. En nous orientant pour lever nos cartes, il a fallu tracer des méridiennes. Deux points d’intersection entre les ombres égales du matin & du soir donnent une méridienne excellente pour un astronome de treize ans. Mais ces méridiennes s’effacent, il faut du tems pour les tracer ; elles assujettissent