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notre vie, nous la terminons sans avoir pu nous accorder avec nous, et sans avoir été bons ni pour nous ni pour les autres.

Reste enfin l’éducation domestique ou celle de la nature, mais que deviendra pour les autres un homme uniquement élevé pour lui ? Si peut-être le double objet qu’on se propose pouvoit se réunir en un seul, en ôtant les contradictions de l’homme on ôteroit un grand obstacle à son bonheur. Il faudroit, pour en juger, le voir tout formé ; il faudroit avoir observé ses penchants, vu ses progrès, suivi sa marche ; il faudroit, en un mot, connaître l’homme naturel. Je crois qu’on aura fait quelques pas dans ces recherches après avoir lu cet écrit.

Pour former cet homme rare, qu’avons-nous à faire ? beaucoup, sans doute : c’est d’empêcher que rien ne soit fait. Quand il ne s’agit que d’aller contre le vent, on louvoie ; mais si la mer est forte & qu’on veuille rester en place, il faut jeter l’ancre. Prends garde, jeune pilote, que ton câble ne file ou que ton ancre ne laboure, & que le vaisseau ne dérive avant que tu t’en sais aperçu.

Dans l’ordre social, où toutes les places sont marquées, chacun doit être élevé pour la sienne. Si un particulier formé pour sa place en sort, il n’est plus propre à rien. l’éducation n’est utile qu’autant que la fortune s’accorde avec la vocation des parents ; en tout autre cas elle est nuisible à l’élève, ne fût-ce que par les préjugés qu’elle lui a donnés. En égypte, où le fils étoit obligé d’embrasser l’état de son père, l’éducation du moins avoit un