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S’il arrivoit pourtant qu’un enfant mangeât trop, ce que je ne crois pas possible par ma méthode, avec des amusemens de son goût, il est si aisé de le distraire, qu’on parviendroit à l’épuiser d’inanition sans qu’il y songeât. Comment des moyens si sûrs & si faciles échappent-ils à tous les Instituteurs ? Hérodote raconte que les Lydiens, pressés d’une extrême disette, s’aviserent d’inventer les jeux & d’autres divertissemens avec lesquels ils donnoient le change à leur faim, et passoient des jours entiers sans songer à manger [1]. Vos savants Instituteurs ont peut-être lu cent fois ce passage, sans voir l’application qu’on peut en faire aux enfans. Quelqu’un d’eux me dira peut-être qu’un enfant ne quitte pas volontiers son dîner pour aller étudier sa leçon. Maître, vous avez raison : je ne pensois pas à cet amusement là.

Le sens de l’odorat est au goût ce que celui de la vue est au toucher : il le prévient, il l’avertit de la maniere dont telle ou telle substance doit l’affecter, & dispose à la rechercher ou à la fuir, selon l’impression qu’on en reçoit d’avance. J’ai ouï dire que les Sauvages avoient l’odorat tout autrement affecté que le nôtre, & jugeoient tout différemment des bonnes & des mauvaises odeurs. Pour moi, je le croi-

  1. (29) Les anciens Historiens sont remplis de vues dont on pourroit faire usage, quand même les faits qui les présentent seroient faux : mais nous ne savons tirer aucun vrai parti de l’Histoire ; la critique d’érudition absorbe tout, comme s’il importoit beaucoup qu’un fait fût vrai, pourvu qu’on en pût tirer une instruction utile. Les hommes sensés doivent regarder l’Histoire comme un tissu de fables, dont la morale est très-appropriée au cœur humain.