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s’en mêler. L’homme de la nature est toujours préparé : laissons-le inoculer par ce maître, il choisira mieux le moment que nous.

N’allez. pas de là conclure que je blâme l’inoculation ; car le raisonnement sur lequel j’en exempte mon élève iroit très mal aux vôtres. Votre éducation les prépare à ne point échapper à la petite vérole au moment qu’ils en seront attaques ; si vous la laissez venir au hasard, il est probable qu’ils en périront. Je vois que dans les différens pays on résiste d’autant plus à l’inoculation qu’elle y devient plus nécessaire ; & la raison de cela se sent aisément. À peine aussi daignerai-je traiter cette question pour mon émile. Il sera inoculé, ou il ne le sera pas, selon les temps, les lieux, les circonstances : cela est presque indifférent pour lui. Si on lui donne la petite vérole, on aura l’avantage de prévoir & connaître son mal d’avance ; c’est quelque chose ; mais s’il la prend naturellement, nous l’aurons préservé du médecin, c’est encore plus.

Une éducation exclusive, qui tend seulement à distinguer du peuple ceux qui l’ont reçue, préfère toujours les instructions les plus coûteuses aux plus communes, et par cela même aux plus utiles. Ainsi les jeunes gens élevés avec soin apprennent tous à monter à cheval, parce qu’il en coûte beaucoup pour cela ; mais presque aucun d’eux n’apprend à nager, parce qu’il n’en coûte rien, & qu’un artisan peut savoir nager aussi bien que qui que ce soit. Cependant, sans avoir fait son académie, un voyageur monte à cheval, s’y tient, & s’en sert assez pour le besoin ; mais, dans l’eau, si l’on