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lesquels ils doivent agir, tandis que ses sens encore purs sont exempts d’illusion, c’est le temps d’exercer les uns & les autres aux fonctions qui leur sont propres ; c’est le temps d’apprendre à connaître les rapports sensibles que les chose sont avec nous. Comme tout ce qui entre dans l’entendement humain y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive ; c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle : nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres a tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous apprendre a nous servir de la raison d’autrui ; c’est nous apprendre à beaucoup croire, & à ne jamais rien savoir.

Pour exercer un art, il faut commencer par s’en procurer les instruments, &, pour pouvoir employer utilement ces instruments, il faut les faire assez solides pour résister à leur usage. Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence ; & pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il faut que le corps, qui les fournit, soit robuste & sain. Ainsi, loin que la véritable raison de l’homme se forme indépendamment du corps, c’est la bonne constitution du corps qui rend les opérations de l’esprit faciles & sûres.

En montrant à quoi l’on doit employer la longue oisiveté de l’enfance, j’entre dans un détail qui paraîtra ridicule. Plaisantes leçons, me dira-t-on, qui, retombant sous votre propre critique, se bornent à enseigner ce que nul n’a besoin