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en voulant les rendre attentifs à des considérations qui ne les touchent en aucune manière, comme celle de leur intérêt à venir, de leur bonheur étant hommes, de l’estime qu’on aura pour eux quand ils seront grands ; discours qui, tenus à des êtres dépourvus de toute prévoyance, ne signifient absolument rien pour eux. Or, toutes les études forcées de ces pauvres infortunés tendent à ces objets entièrement étrangers à leurs esprits. Qu’on juge de. l’attention qu’ils y peuvent donner.

Les pédagogues qui nous étalent en grand appareil les instructions qu’ils donnent à leurs disciples sont payés pour tenir un autre langage : cependant on voit, par leur propre conduite, qu’ils pensent exactement comme moi. Car, que leur apprennent-ils, enfin ? Des mots, encore des mots, & toujours des mots. Parmi les diverses sciences qu’ils se vantent de leur enseigner, ils se gardent bien de choisir celles qui leur seraient véritablement utiles, parce que ce seraient es sciences de choses, & qu’ils n’y réussiraient pas ; mais celles qu’on paraît savoir quand on en sait les termes, le blason, la géographie, la chronologie, les langues, etc. ;

    Langue ; non pas en donnant toujours les mêmes acceptions aux mêmes mots, mais en faisant en sorte, autant de fois qu’on emploie chaque mot, que l’acception qu’on lui donne soit suffisamment déterminée par les idées qui s’y rapportent, & que chaque période où ce mot se trouve lui serve, pour ainsi dire, de définition. Tantôt je dis que les enfants sont incapables de raisonnement, & tantôt je les fais raisonner avec assez de je ne crois pas en cela me contredire dans mes idées, mais je ne puis disconvenir que je ne me contredise souvent dans mes expressions.