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de fait n’est pas naturel aux enfants ; mais c’est la loi de l’obéissance qui produit la nécessité de mentir, parce que l’obéissance étant pénible, on s’en dispense en secret le plus qu’on peut, et que l’intérêt présent d’éviter le châtiment ou le reproche l’emporte sur l’intérêt éloigné d’exposer la vérité. Dans l’éducation naturelle & libre, pourquoi donc votre enfant vous mentiroit ? Qu’a-t-il à vous cacher ? Vous ne le reprenez point, vous ne le punissez de rien, vous n’exigez rien de lui. Pourquoi ne vous diroit-il pas tout ce qu’il a fait aussi naÏvement qu’à son petit camarade ? Il ne peut voir à cet aveu plus de danger d’un côté que de l’autre.

Le mensonge de droit est moins naturel encore, puisque les promesses de faire ou de s’abstenir sont des actes conventionnels, qui sortent de l’état de nature et dérogent à la liberté. Il y a plus : tous les engagements des enfans sont nuls par eux-mêmes, attendu que leur vue bornée ne pouvant s’étendre au delà du présent, en s’engageant ils ne savent ce qu’ils font. À peine l’enfant peut-il mentir quand il s’engage ; car, ne songeant qu’à se tirer d’affaire dans le moment présent, tout moyen qui n’a pas un effet présent lui devient égal ; en promettant pour un temps futur, il ne promet rien, & son imagination encore endormie ne sait point étendre son être sur deux temps différents. S’il pouvoit éviter le fouet ou obtenir un cornet de dragées en promettant de se jeter demain par la fenêtre, il le promettroit à l’instant. Voilà pourquoi les lois n’ont aucun égard aux engagements des enfants ; et quand les pères & les maîtres plus