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Comment un pur esprit agirait-il sur une ame enfermée dans un corps & qui, en vertu de cette union, ne peut rien appercevoir que par l’entremise de ses organes ? Il n’y a pas de sens à cela. Mais j’avoue que je ne vois point ce qu’il y a d’absurde à supposer qu’une ame libre d’un corps qui jadis habita la terre puisse y revenir encore, errer, demeurer peut-être autour de ce qui lui fut cher ; non pas pour nous avertir de sa présence, elle n’a nul moyen pour cela ; non pas pour agir sur nous & nous communiquer ses pensées, elle n’a point de prise pour ébranler les organes de notre cerveau ; non pas pour appercevoir non plus ce que nous faisons, car il faudroit qu’elle eût des sens ; mais pour connoître elle-même ce que nous pensons & ce que nous sentons, par une communication immédiate, semblable à celle par laquelle Dieu lit nos pensées des cette vie & par laquelle nous lirons réciproquement les siennes dans l’autre, puisque nous le verrons face-à-face [1]. Car enfin, ajouta-t-elle en regardant le ministre, à quoi serviroient des sens lorsqu’ils n’auront plus rien à faire ? L’Etre éternel ne se voit ni ne s’entend ; il se fait sentir ; il ne parle ni aux yeux ni aux oreilles, mais au cœur.

    toute leur pureté. Quant à ceux se sont ici-bas asservis à leurs passions, il ajoute que leurs ames ne reprennent point sitôt leur pureté primitive, mais qu’elles entrainent avec elles des parties terrestres qui les tiennent comme enchainées autour des débris de leurs corps ; voilà, dit-il, ce qui produit ces simulacres sensibles qu’on voit quelquefois errans sur les cimetieres, en attendant de nouvelles transmigrations. C’est une manie commune aux Philosophes de tous les âges de nier ce qui est & d’expliquer ce qui n’est pas.

  1. Cela me paroit très-bien dit : car qu’est-ce que voir Dieu face-à-face, si ce n’est lire dans la suprème Intelligence ?