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suis occupée des moyens de prévenir ces inconvéniens d’une maniere agréable & douce, en vous faisant un sort digne de votre mérite & de mon attachement pour vous. Voilà tout mon crime : il n’y avoit pas là, ce me semble, de quoi vous alarmer si fort.

Vous avez tort, mon ami, car vous n’ignorez pas combien vous m’êtes cher ; mais vous aimez à vous le faire redire ; & comme je n’aime guere moins à le répéter, il vous est aisé d’obtenir ce que vous voulez sans que la plainte & l’humeur s’en mêlent.

Soyez donc bien sûr que si votre séjour ici vous est agréable, il me l’est tout autant qu’à vous & que, de tout ce que M. de Wolmar a fait pour moi, rien ne m’est plus sensible que le soin qu’il a pris de vous appeler dans sa maison & de vous mettre en état d’y rester. J’en conviens avec plaisir, nous sommes utiles l’un à l’autre. Plus propres à recevoir de bons avis qu’à les prendre de nous-mêmes, nous avons tous deux besoin de guides. & qui saura mieux ce qui convient à l’un, que l’autre qui le connaît si bien ? Qui sentira mieux le danger de s’égarer par tout ce que coûte un retour pénible ? Quel objet peut mieux nous rappeler ce danger ? Devant qui rougirions-nous autant d’avilir un si grand sacrifice ? après avoir rompu de tels liens, ne devons-nous pas à leur mémoire de ne rien faire d’indigne du motif qui nous les fit rompre ? Oui, c’est une fidélité que je veux vous garder toujours de vous prendre à témoin de toutes les actions de ma vie & de vous dire, à chaque sentiment qui m’anime : Voilà ce que je vous ai préféré ! Ah ! mon